Au centre du débat sur l'indemnisation de l'agent immobilier privé de sa commission, se pose un problème de fondement juridique de l'action en justice contre le fautif.

En effet, l'agent immobilier est choisi par le vendeur de l'immeuble. Il a donc un lien contractuel avec le vendeur.

Il n'a, par contre, aucun lien contractuel avec l'acheteur, quand bien même, en pratique, les honoraires de l'agent immobilier sont mis à la charge de l'acheteur, dans la cadre du compromis de vente.

Quid si l'acquéreur prive l'agent de sa commission, par le biais de manoeuvres dolosives?

La Cour de Cassation , réunie en assemblée plénière, a rendu un arrêt le 9 mai 2008, aux termes duquel:

« même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice ».

En l'espèce, un couple avait usé d'une fausse identité pour visiter un appartement par l'intermédiaire d'une agence et s'était ensuite adressé directement au vendeur pour en faire l'acquisition, sans passer par l'agent immobilier qui lui avait fait découvrir le bien. Privé du paiement de sa commission, l'agent immobilier a alors assigné les acquéreurs en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Pour condamner le couple d'acquéreurs à verser à l'agent immobilier une somme égale au montant de la commission stipulée dans le contrat de mandat-vente que lui avait consenti le vendeur, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (16 oct. 2001) a retenu qu'ils avaient commis une faute ayant privé l'agent immobilier de son droit à commission et que le préjudice subi par celui-ci était au moins égal au montant de la commission.

Cet arrêt a été cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 27 avr. 2004 : Bull. civ. 2004, I, n° 323).

La cour d'appel de Nîmes (23 janv. 2007) devant laquelle l'affaire a été renvoyée a cependant résisté, et à nouveau condamné les acquéreurs à verser des dommages et intérêts à l'agent aux motifs que, par leurs manoeuvres frauduleuses consistant en l'emprunt d'une fausse identité, ils avaient fait perdre à l'agent immobilier la commission qu'il aurait pu exiger du vendeur s'il avait été associé à l'acte de vente.

L'assemblée plénière a confirmé la position de la cour d'appel au visa des articles 1382 du Code civil, et les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Voir l'arrêt:

http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/assemblee_pleniere_22/arrets_travaux_preparatoires_24/br_arret_11570.html